Statut de réfugiée pour une Djiboutienne d'ethnie Issa en raison d'un mariage forcé
« Les déclarations précises et particulièrement circonstanciées de Mme XXXX, notamment celles faites lors de l’audience qui s’est tenue à huis clos, permettent de tenir pour établies son identité, sa nationalité et son origine ethnique Issa ainsi que son appartenance à une famille musulmane conservatrice et traditionnaliste. En effet, elle a été en mesure de décrire précisément l’environnement familial dans lequel elle a grandi, en développant le profil de son père, professeur d’arabe pratiquant un islam rigoriste et ayant effectué ses études en Arabie Saoudite, qui contrôlait intégralement sa vie et lui interdisait d’entretenir tout contact avec des hommes, y compris ses frères. Elle a également livré des propos étayés quant au mariage de ses parents, la requérante ayant indiqué que sa mère avait été contrainte d’épouser son père dans le cadre d’une union arrangée et qu’il se montrait quotidiennement violent à son égard. S’agissant du fait que son père l’ait autorisée à étudier en France, il ressort de ses déclarations qu’elle a obtenu une bourse gouvernementale dans le cadre d’un cursus prestigieux et que, de l’avis de son père, l’obtention de son diplôme de master contribuerait à accroître sa valeur auprès d’éventuels prétendants, en raison notamment de l’emploi garanti à l’issu de ses études. En outre, elle a livré un discours cohérent et vraisemblable sur le fait que, en raison de son absence totale d’autonomie et de relations sociales lorsqu’elle vivait à Djibouti, il est apparu inconcevable aux yeux de son père qu’elle parvienne à s’extraire du carcan dans lequel elle a toujours grandi, d’autant plus qu’elle était logée dans une résidence universitaire. Elle est d’ailleurs revenue avec spontanéité sur les grandes difficultés d’intégration qu’elle a rencontrées à son arrivée en France, et dans les années qui ont suivi, du fait qu’elle ait toujours vécu en rupture avec le monde extérieur. Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles son mariage a été contracté en son absence sont apparues convaincantes, la requérante ayant indiqué par des propos développés, constants et précis être régulièrement en contact avec sa mère qui lui a annoncé au mois de mars 2021 que son père l’avait donnée en mariage à un homme de plus de vingt ans son aîné, qui avait déjà versé la dote et que son père commençait à s’impatienter et à se montrer menaçant, l’achèvement de ses études ayant été retardé par la pandémie. Enfin, si elle n’a pas sollicité les autorités djiboutiennes dans la mesure où elle était déjà hors du pays lorsqu’elle a appris qu’elle avait été mariée de force, il est notoire que ces dernières n’interviennent pas dans ces situations, comme le souligne la note d’information publiée le 18 mai 2017, par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada « Djibouti : information sur le mariage forcé, y compris sa fréquence; les conséquences associées à un refus, y compris pour les parents de mineures que les grands-parents veulent marier de force; les recours disponibles pour les parents; information sur la disponibilité de la protection offerte par l'État (2015-avril 2017) ». Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mme XXXX craint avec raison, au sens des stipulations précisées de la convention de Genève, d’être persécutée en cas de retour au Djibouti en raison de son appartenance au groupe social des femmes entendant se soustraire à un mariage imposé, sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités djiboutiennes. Dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée. »
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